Le problème de la philosophie des profondeurs est qu’elle n’est pas audible par tout le monde… et moins encore par la Jeunesse, c’est-à-dire un âge où le leurre existentiel et son paraître sociétal exercent attirance et fascination.
Cette pensée de fond, pensée lourde, au-delà de la simple critique, ne paraît pas compatible avec l’élan vital qui coule dans les veines de la jeune entité vivante candide, hallucinée par la réalité foisonnante et par l’invitation à son irrésistible mouvement.
Et cela prend un certain temps à la conscience de s’extraire des eaux folles de cette rivière pour se poser sur ses berges et se prendre à l’observer avec quelque recul… juste pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle prétend être…
Quant à la modernité, de par l’adresse du démiurge du Réel qui a su la parer de toutes les séductions du progrès, elle ne fait qu’alimenter toujours plus et plus vite le tourbillon de ses eaux, afin que nul ne résiste à l’invitation d’y plonger, d’y nager… et puis fatalement de s’y noyer.
Mais pour une analyse plus philosophique, on comprend et vérifie par ce qui précède, que dans l’absolu, la conscience n’est pas compatible avec le mouvement !
Que ce dernier, accusé par son attribut tendanciel de vitesse, inhibe profondément la première, du simple effet fascinatoire de ses reflets, tels que ceux qui aveuglent les yeux à la surface de la mer agitée.
La suspension du flux par l’esprit, qui était l’ancien attribut de la vertu des sagesses antiques, devient à chaque génération plus difficile et improbable à réaliser, condamnant fatalement l’archétype de l’être-à-venir à une ontologie de l’agitation et de la performance, laquelle l’éloignera toujours plus des conditions d’affleurement de l’Éveil discriminant.